Programme de l'écrit 1 de l'agrégation interne d'EPS pour la session 2025

L’épreuve consiste en une dissertation ou un commentaire d’un document écrit. Les sujets portent sur des thèmes relatifs à la discipline scolaire de l’éducation physique et sportive et à ses enseignements et ses dispositifs complémentaires de 1975 à nos jours. Il est attendu que le candidat mobilise des connaissances historiques, sociologiques, épistémologiques, culturelles et institutionnelles, pour analyser et discuter l’évolution des pratiques professionnelles relatives à cette discipline d’enseignement. Les réflexions et démarches argumentaires du candidat seront mises en relation avec les enjeux, débats et controverses, passés et actuels, qui accompagnent la construction de l’éducation physique et sportive au sein du système éducatif.

 

Thèmes du programme :

- Les élèves dans la leçon d'EPS

- Les jeunes, les pratiques physiques et les incidences en EPS

- Les savoirs enseignés et les modalités d’évaluation en EPS

- Les cultures professionnelles des enseignants d'EPS

 

Commentaires

Remarques concernant la présentation générale de l’épreuve (1èr paragraphe)

- « de 1975 à nos jours ». Pour répondre au besoin d’effectuer une périodisation sur un temps court, la dernière partie de mes ouvrages sur l’Histoire de l’EP a été scindée en trois (1981-1991 / 1992-2002 / 2003 à nos jours).

- « le candidat mobilise des connaissances historiques, sociologiques, épistémologiques, culturelles et institutionnelles » : il est clair que la volonté est bien que le candidat ne privilégie pas un champ de connaissances particulier mais qu’il s’appuie sur tous types de données lui permettant de développer une argumentation pertinente répondant à un sujet précis.

- « analyser et discuter l’évolution des pratiques professionnelles relatives à cette discipline d'enseignement » : l’accent est délibérément mis sur les « pratiques professionnelles » : les textes officiels ne peuvent constituer l’essentiel de l’argumentaire dans les copies. S’ils sont incontournables, ils doivent être complétés par une analyse de ce qui se fait réellement dans les établissements scolaires. Autrement dit, le candidat à un concours interne doit être capable d’avoir un recul réflexif sur l’évolution de son action professionnelle. Les travaux récents portant sur la scolarisation des différentes APSA et sur les transformations de leur enseignement constituent un appui incontournable (un chapitre est consacré à cet aspect dans mon ouvrage méthodologique). Ils permettent de mieux comprendre les changements dans les conceptions d’enseignement en s’appuyant sur des activités particulières.

- « enjeux, débats et controverses, passés et actuels, qui accompagnent la construction de l’éducation physique et sportive au sein du système éducatif » : la notion d’« enjeu » n’est pas anodine. Pour mieux la comprendre, on peut se référer à l’analyse réalisée par Jean-Paul Clément dans le premier chapitre du livre Sport et pouvoirs au XXème siècle (PUG, 1994) : s’il y a enjeu, c’est qu’il y a quelque chose en jeu, à gagner ou à perdre, c’est que le jeu est ouvert. « L’enjeu motive l’engagement dans le jeu… il y a lutte pour se l’approprier ». « L’approche en terme d’enjeux » consiste donc à considérer l’éducation physique comme un « champ de concurrence » au sein duquel il faut repérer, au cours des différentes conjonctures qui se sont succédées, « la nature des éléments qui orientent les actions » des différents acteurs et leurs stratégies. Autrement dit, les « définitions de l’éducation physique et de ses contenus sont en permanence l’objet de luttes entre les différents acteurs du champ. L’état actuel (…) de l’éducation physique, y compris au niveau de la nature de ses conflits et débats internes, est l’aboutissement d’une série de choix historiques et non une étape obligée dans un processus de développement univoque, continu, linéaire, logique en somme parce chronologique… Les choix historiques donnent toujours lieu à des conflits et des débats intenses ». Pour chacun des protagonistes, l’enjeu est de réussir à « imposer une direction dominante, d’obtenir le pouvoir sur les actes des autres, d’institutionnaliser cette domination dans des textes officiels ou des productions » afin d’obtenir une légitimité qui peut être pédagogique, théorique, politique et législative, culturelle, économique… En résumé, l’utilisation de la notion d’enjeu conduit à refuser toute analyse simplificatrice (évolution inéluctable, qui fait consensus) et, au contraire, à aborder les différents événements historiques dans toute leur complexité (cela aurait pu se passer autrement, car tout le monde n’était pas d’accord pour que cela évolue comme ça a été le cas, et rien n’est définitivement figée…). Elle incite à valoriser les « débats et controverses, passés et actuels », la « construction de l’EPS » n’étant pas un long fleuve tranquille. Notons que la notion de « construction » est intéressante et est soumise, pourrait-on dire, à des propositions de nombreux « architectes-concepteurs » qui ont chacun une vision particulière du projet. Les « ouvriers-enseignants » sont chargés de la mise en œuvre des travaux avec leurs élèves ; ils sont dotés d’une réelle marge de manœuvre et jouent donc un rôle actif dans ce processus. Sur la base de la compréhension des débats et controverses, ils pourront se positionner en tant qu’acteurs lucides et critiques sur les problèmes identitaires et le devenir de la discipline qu’ils enseignent. Ne peut-on pas trouver ici la raison d’être de l’Ecrit 1 des concours de recrutement ?

Dernier point : cette construction de l’EPS se fait « au sein du système éducatif ». Elle doit donc constamment être resituée au regard des transformations de ce système éducatif, qui s‘adapte sans cesse aux évolutions sociétales. Si les sujets portent sur l’EPS, il est donc incontournable d’ouvrir la focale pour analyser « l’intérieur du champ » au regard de ce qui l’entoure (je pense ici aux réflexions de Bourdieu, qui parle de « relative autonomie » d’un champ).

 

Remarques sur les thèmes du programme

 

- Les élèves dans la leçon d'EPS

- Les cultures professionnelles des enseignants d'EPS

- Les savoirs enseignés et les modalités d'évaluation en EPS

Ces trois axes me semblent aller dans le même sens : ils renvoient à l'analyse de l'évolution de la leçon d’EPS, lieu où se fait l’EPS, avec un enseignant et des élèves, mais de manière plus large, avec un enseignant appartenant à une équipe d’enseignants d’EPS et une équipe au sein d’un établissement scolaire (image de cercles de plus en larges : enseignant - enseignants EPS - établissement), et des élèves rassemblés dans une classe (ou un regroupement de classes) qu’il faut tout à la fois prendre en compte ensemble, en tant que groupe, mais aussi dans leur singularité et avec leurs différences. L’analyse est donc complexe et doit être systémique.

Cela nécessite de s’intéresser à l’objet d’enseignement (les savoirs à enseigner et véritablement enseignés), à la façon d’enseigner cet objet (la méthode pédagogique, la relation pédagogique, les outils pédagogiques utilisés, le rôle de l’enseignant, le statut accordé aux élèves… et donc leur activité) et aux modalités d'évaluation, qui mettent en évidence les savoirs privilégiés. Pour comprendre les évolutions sur ces questions, on ne peut pas faire l’économie de se pencher sur de nombreuses thématiques : finalités, place réservée aux différentes pratiques physiques et sportives, soubassements scientifiques, contexte scolaire, débats entre les acteurs/concepteurs et/ou courants, outils pédagogiques utilisés…

 

- Les jeunes, les pratiques physiques et les incidences en EPS

Cet item renvoie à une thématique très classique mais aussi très large : l’analyse des liens entre les pratiques physiques (et sportives) et l’EPS.

Il nécessite tout d’abord de s’interroger sur ce qu’on entend par « pratiques physiques », en s’appuyant sur les nombreux travaux des historiens et sociologues portant sur ce sujet (un certain nombre d’entre eux sont synthétisés dans mes ouvrages : une partie leur est consacrée à chaque période traitée dans l’Histoire de l’EP de 1945 à nos jours ; on peut également consulter les chapitres sur le sport et sur le plein air dans le Guide méthodologique). Malgré des désaccords portant notamment sur la question de la définition des termes, tous les auteurs s’accordent sur une progressive massification des pratiques physiques et sportives au cours des 50 dernières années (ce qui ne veut pas dire forcément une démocratisation), qui va de pair avec un processus de complexification / diversification entrainant une difficulté toujours plus grande de les définir. L’item utilise bien le pluriel - les pratiques physiques - pour rendre compte de cette diversité.

Qu’en est-il de l’EPS face à cette diversité ?

Celle-ci provoque de nombreux débats et controverses, ce qui renvoie à l’intitulé du programme du concours et au chapitre portant sur les différents courants de mon Guide méthodologique. Quelles sont les pratiques qu’il est possible de considérer comme légitimes et qui méritent d’être enseignées en EPS ? Les auteurs des textes officiels sont amenés à faire des choix… qui vont par exemple de la primauté accordée aux sports de compétition en 1967 à l’intérêt porté au yoga en 2019. Cela nécessite d’être précisément analysé.

 

Pour conclure, les axes de réflexion sont nombreux et finalement assez classiques : leçon d’EPS, savoirs enseignés, activité de l’élève, relation pédagogique, modalités d'évaluation. On fait le tour de l’activité des enseignants d'EPS (préconisations et activité réelle).

En toute logique, cela contribue à s’interroger sur l’évolution du métier d’enseignant, de leur culture professionnelle, au cours de la période à étudier. Finalement, peut-on parler de programme ? Il s’agit d’un Ecrit sur l’histoire de l’EPS depuis 1975.